Description
« Participez aux consultations citoyennes », « Participez à la levée de fond », Participez à des concours d’idée », « 2015 façons de participer », « Participez ! »,… Les injonctions à la participation sont devenues comminatoires tels des « impératifs catégoriques », quel que soit le domaine d’activité. Les problématiques de participation submergent ainsi les discours et les pratiques, et ne sont pas sans interroger les visions de la communication qu’elles mobilisent. En cela, elles font écho aux réflexions développées par Dewey qui voit dans la participation un critère pour hiérarchiser le degré de communication (Quéré, 2014). Plus le degré est élevé et la forme de communication élaborée, plus sa portée sociale est significative. Autrement dit, communication et participation sont intimement liées. Participation et communication renvoient à l’idée d’un lien universel, à l’idéal de « fusion communautaire » (Mattelart, 1999) ou de « communication planétaire » (Breton, 1992). Les imaginaires de la communication comme lien universel ou moyen du vivre ensemble se mêlent à ceux de la participation comme idéal d’échange, de partage, de débat et de concertation. « Le management participatif ou la communication participative (…) sont peut-être l’illustration d’un concept migrateur qui se loge partout où un besoin de “reliance” (Bolle De Bal, 1996), à visée fonctionnaliste, se fait sentir entre l’émetteur et le récepteur » (Monseigne, 2009 : 32).
Pour saisir ce glissement, il importe de replacer la participation active, multiple et ambivalente des “publics” au cœur du processus de médiatisation croissante des relations sociales. La participation reste néanmoins un terme flou, polysémique, pluriel et réapproprié par différentes disciplines. Peut-être parce qu’il trouve ses champs d’application dans des domaines d’activités multiples et divers: politique, social, économique, culturel, etc. Comme concept scientifique également, il est déployé dans différents champs de recherche: science politique et sciences de gestion, certes, mais également sociologie, études culturelles, … et sciences de l’information et de la communication (SIC).
Ces questions ont été abordées dans le cadre d’un colloque scientifique internationale, organisé conjointement par le LASCO – le Laboratoire d’analyse des systèmes de communication d’organisations (UCLouvain) et le PReCoM – le Pôle de recherches sur la communication et les médias (ancienne appellation du centre de recherche Engage de l’Université Saint-Louis), les 12 & 13 septembre 2019.
Le colloque, soutenu par le FNRS et la Fédération Wallonie-Bruxelles, a donné lieu à la publication d’un dossier thématique dans le volume 52 de la revue Recherches en Communication de l’UCLouvain intitulé : La participation dans un monde de communication. Le dossier a été dirigé par Sandrine Roginsky (UCLouvain), Damien Renard (UCLouvain) et Marie Dufrasne (Université Saint-Louis – Bruxelles).
C’est à la lumière des SIC que les organisateurs souhaitaient, dans ce colloque, (re)visiter et (ré)interroger le concept de participation, tout en voulant « faire dialoguer » ces différentes approches. Au-delà des différences disciplinaires, explorer la participation avec une approche communicationnelle amène à interroger des concepts périphériques comme la collaboration, le débat, la mobilisation ou encore l’engagement. Dans le cadre de ce colloque, ils ont envisagé la participation en tant que “concept-frontière”, par transposition de la notion d’objet- frontière (Star, 2010), c’est-à-dire en tant que concept rhizomatique à l’intérieur duquel différents points de vue se rencontrent et coopèrent. La participation peut en effet émerger de manière spontanée, en ce sens qu’elle se manifeste sans intention de départ. A l’inverse, la participation peut être “calculée” et planifiée, dont la portée ne se réduirait parfois qu’à une simple mise en scène. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant que sa portée sociale se réduit uniquement à la création d’un simulacre qui aurait pour finalité de légitimer ou de renforcer la domination d’une organisation ou d’un collectif par exemple. Aussi, à travers ce colloque, il s’agissait d’explorer cette tension sous-jacente entre processus de participation et instrumentalisation rhétorique de la participation, mais également de discuter des implications que cet objet dynamique et flexible peut engendrer.
Les articles réunit dans le dossier thématique de Recherches en Communication s’articulent autour des 4 axes ci-dessous :
Axe 1 – Participation et organisation
Cet axe propose d’explorer la participation à partir des approches communicationnelles constitutives. Ces approches, connues sous l’appellation « Communication Constitutive des Organisations » (CCO), sont revendiquées dans les travaux considérant l’organisation comme émanant « d’un agencement communicationnel, d’une coordination de productions de sens permettant de l’identifier, de la décrire et de la faire évoluer » (Hachour, 2011, p. 196). Autrement dit, l’organisation résulte d’un « agencement signifiant qui cadre les activités collectives et qui qualifie leur degré d’accomplissement » (Hachour, 2011, p. 201). A travers cette approche communicationnelle, l’objectif est ainsi de mieux comprendre les phénomènes organisationnels contemporains se rapportant à la notion de participation. Comment analyser les tensions dans les rôles et les discours qui émergent de la participation, qu’elle soit spontanée ou calculée ? Comment se constitue un projet participatif et que nous renseigne la conduite du projet sur la dynamique organisationnelle ? Quelle valeur performative les discours sur la participation ont-ils au sein des organisations ? Comment décoder et comprendre les pratiques de la participation avec une approche communicationnelle ?
Axe 2 – Dispositif de communication et participation
A travers cet axe, il s’agit en premier lieu d’interroger le dispositif, en tant qu’un agencement d’éléments – qu’ils soient des discours, des procédures ou une combinaison d’objets techniques. Comment les dispositifs de la participation sont-ils construits ? Comment organisent-ils la participation ? Comment ont-ils évolué ces dernières années avec le déploiement des réseaux socio- numériques, des plateformes, etc. ? Quelle place est consacrée aux participants par le dispositif et la procédure mise en place ? Comment analyser la place réservée aux participants dans les discours et l’imaginaire autour du dispositif participatif ? En second lieu, interroger le dispositif dans le contexte de la participation implique de questionner sa finalité, du point de vue des concepteurs et promoteurs. La mise en place et l’utilisation du dispositif peuvent déboucher sur un résultat non désiré, voire contraire à l’objectif initial. Que se passe-t-il alors ? Comment réagissent les concepteurs et promoteurs des dispositifs participatifs ?
Axe 3 – Professions de la communication et participation
Cet axe veut interroger la construction de parcours et profils professionnels liés à la création, gestion et « captation » de la participation (Bonaccorsi et Nonjon 2012, Gourgues 2016). Il s’agit de comprendre comment et dans quelle mesure les professionnels de la communication sont parfois appelés à susciter, « gérer » et intercepter les formes et les mouvements de participation. Les communicateurs et relationnistes peuvent ainsi devenir des spécialistes de la participation. Le métier de gestionnaire de communautés numériques (community manager) est seulement un exemple parmi d’autres. Dans quelle mesure et comment les communicateurs intègrent dans leurscompétences celles de la suscitation et de la gestion de la participation, et aussi de sa mise en scène discursive ? Comment analyser ce phénomène ? Quels impacts sur leurs compétences et sur la dimension éthique de leur activité ? Quelles tensions apparaissent ?
Axe 4 – Réception et appropriation de la communication et de la participation
Cet axe s’intéresse à l’appropriation des dispositifs et du processus de participation, qui peut passer par des détournements et des bricolages, du point de vue des publics. Cela amène à explorer les représentations qu’ont les publics des dispositifs et des processus participatifs, la façon dont ils les perçoivent, les motivations qui les animent. Quelles sont leurs objectifs ? Quels types d’interactions sont à l’œuvre dans ce contexte ? Est-ce qu’un certain idéal de la participation est inscrit dans la configuration des relations ? Il s’agit ainsi d’interroger comment les participants perçoivent et s’approprient un dispositif, et au-delà un processus participatif ? Quel répertoire d’actions utilisent- ils ? Comment la participation se voit réceptionnée, appropriée, voire détournée, réinventée, transformée, exportée ? Comment se donnent-ils une marge de manœuvre pour improviser d’autres lieux de participation, pour imaginer d’autres modes d’engagement ?
Publications scientifiques des membres d’Engage
Dufrasne, Marie. Les dispositifs participatifs dans un monde de communication. In: Questions de communication, Vol. 1, no.41, p. 87-102 (2022). doi:10.4000/questionsdecommunication.28849. http://hdl.handle.net/2078.3/266135
Marie Dufrasne ; Damien Renard ; Sandrine Roginsky ; Coordination du dossier thématique : La participation dans un monde de communication (Vol. 52) de la revue Recherches en communication. DOI: https://doi.org/10.14428/rec.v52i52. Publiée: 2021-10-05.
Marie Dufrasne ; Damien Renard ; Sandrine Roginsky « La participation dans un monde de communication. Introduction », in Recherches en Communication (Vol. 52) (05/10/2021). DOI: https://doi.org/10.14428/rec.v52i52. Publiée: 2021-10-05.
Wiard, Victor. Les dimensions collectives de l’actualité locale : vers une grille d’analyse des pratiques des acteurs des écosystèmes médiatiques bruxellois. In: Recherches en communication, Vol. 52, no.1, p. 192 (2021). doi:10.14428/rec.v52i52.57733. http://hdl.handle.net/2078.3/251562