Le rôle de l’expertise pour l’écocitoyenneté selon les jeunes : premiers résultats d’une analyse ethnographique multisituée menée en Belgique

Jun 21, 2023

Kelly Vossen interviendra lors de la conférence scientifique internationale “Inhabiting the planet : Challenges for media, communication and beyond” de l’IAMCR qui se tiendra à Lyon, du 10 au 13 juillet 2023.
Sa présentation portera sur la place de la médiation des savoirs dans l’engagement environnemental des jeunes, au sein de l’activisme et d’un dispositif participatif institutionnalisé, à partir d’une analyse ethnographique sous le prisme de la méthode par théorisation ancrée.

ABSTRACT :

Depuis Greta Thunberg en août 2018, les jeunes sont au coeur des discours et des pratiques de la mobilisation et participation écologique et environnementale. Ils et elles sembleraient être passé·es de « citoyen·nes en devenir » (Holloway et Valentine, 2000) à acteur·rices des crises climatique et écologique, autrement dit à des « éco-citoyen·nes ». En même temps, si au 21ème siècle le savoir profane s’invite dans le débat science et société (Callon, Lascoumes et Barthe, 2001), les discours médiatiques et activistes semblent confiner la maitrise des savoirs climatiques et écologiques dans les mains des expert.es via la « scientisation » (Comby, 2008 ; Carvalho, van Wessel, & Maeseele, 2016 ; Pepermans & Maeseele, 2018) et la mythification du savoir scientifique (Mauger-Parat et Peliz, 2013).
Mais comment les citoyen.nes peuvent-ils et elles devenir écocitoyen·nes eu égard à la sacralisation de l’expertise dans la gestion des crises écologiques ? Plus spécifiquement, comment les jeunes envisagent-ils et elles la place de la connaissance, de l’apprentissage et de l’expertise au sein de l’écocitoyenneté ? A fortiori, comment la participation environnementale et écologique peut-elle se revendiquer inclusive et universelle dans un contexte où l’accès à l’éducation, et donc à l’expertise est nécessairement excluante ? C’est en lien avec ces questions que nous proposerons quelques pistes de réflexion à partir d’une analyse ethnographique multi-située des discours et des pratiques des jeunes en Belgique. Plus spécifiquement, nous étudions deux lieux distincts de participation écologique et environnementale des jeunes : (1) Les activistes pour la justice climatique et sociale ; (2) Les participants et participantes au dispositif de participation institué pour les jeunes en Belgique, issu·es majoritairement des classes populaires.
Selon nos premiers résultats, d’une part, les activistes semblent : (1) mettre l’accent sur le caractère crucial de l’apprentissage, de la « prise de conscience » et de la sensibilisation pour devenir éco-citoyen·nes. Pourtant cette étape d’apprentissage, présentée comme fondamentale dans le développement de l’éco-citoyenneté, est ancrée dans le présupposé erroné selon lequel les idées seraient le moteur des comportements (Bernard, 2010). (2) Paradoxalement, leurs discours semblent problématiser les modes de vie des privilégié·es en valorisant la sobriété contrainte des classes populaires ; « l’écologisme des (très) pauvres » (Filipo, 2021 ; Le Méhauté, 2021). (3) En proposant des actions peu couteuses (par exemple, la signature de pétition ou l’interpellation des politiques via le tag sur les réseaux socionumériques, particulièrement Twitter et Instagram), les activistes créent autant de voies vers la production de nouvelles significations et normes écocitoyennes (Bernard, 2010). D’autre part, au sein d’un dispositif de participation institué pour les jeunes en Belgique, dans un contexte gouverné par une tension entre « empouvoirement » et formation, les jeunes apparaissent : (1) convoquer l’expertise comme étape indispensable du chemin vers l’écocitoyenneté. (2) A la fois, nous observons un certain refus des lectures dominantes de l’écocitoyenneté et des modèles d’apprentissages articulés autour des savoirs scientifiques considérés comme trop « scolaires ». Globalement, ces résultats impliquent une remise en question des lectures dominantes de l’écocitoyenneté et de la place du savoir et de l’apprentissage en son sein.