Séminaire (EN LIGNE) : Les discours de propagande du djihadisme violent

Nov 17, 2021

En cette année de reprise en présentiel, le séminaire d’Engage visera à appuyer et prolonger les travaux de ses membres lors de moments d’échanges et de rencontres ouverts à toutes les personnes intéressées. À partir d’interventions de chercheurs et chercheuses pour la plupart externes à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, il s’agira de nourrir les réflexions du centre en les élargissant à d’autres horizons de recherche. Les thématiques abordées seront dès lors variées tout en s’inscrivant dans les axes de recherche du centre. Chaque séance consistera en une ou plusieurs intervention(s) en lien avec la thématique retenue que nous prolongerons grâce à des échanges soutenus par un cadre que nous souhaitons tant stimulant que bienveillant. Un moment de détente sous forme de lunch et/ou de drink conclura ces rencontres si les conditions sanitaires le permettent.

The Engage seminar aims to support and extend the work of its members through exchanges and meetings open to all interested parties. Based on the contributions of researchers, most of whom come from outside the Université Saint-Louis – Bruxelles, the aim is to feed the center’s reflections by broadening them to other research horizons. The themes addressed are therefore varied while remaining within the center’s research areas. Each session consists of one or two presentations related to the chosen theme, which we extend through discussions in a context that we hope is both stimulating and benevolent. A lunch and/or drink conclude the session if the health conditions allow it.

Séance du 14 décembre 2021 (en ligne) 17h30 – 20h30 :

Les discours de propagande du djihadisme violent

Catherine Bouko est chargée de cours en communication à l’Université de Gand. Elle travaille sur l’expression citoyenne sur les réseaux sociaux, autour des questions du vivre ensemble et des extrémismes. Elle s’intéresse particulièrement aux expressions multimodales (combinant texte et image) des citoyens, qu’elle analyse au moyen de la sémiotique et de l’analyse de discours. Elle est la directrice scientifique du projet européen PRECOBIAS, qui porte sur la radicalisation et les biais cognitifs. Les recherchées présentées lors de ce séminaire ont été réalisées dans le cadre du projet PRECOBIAS.

 La communication extrémiste salafiste sur Facebook

Comprendre comment les salafistes extrémistes communiquent, et pas seulement quoi, est essentiel pour avoir un aperçu de la façon dont ils construisent leur ordre social et utilisent les forces psychologiques pour radicaliser les sympathisants potentiels sur les médias sociaux. Afin de contribuer au corpus de recherche existant qui se concentre principalement sur les organisations terroristes (ex. Europol), nous avons analysé des comptes Facebook qui prônent le djihad violent sans soutenir (du moins publiquement) aucun groupe terroriste, qui partagent des contenus extrémistes au milieu de posts ordinaires et qui pourraient donc être en mesure d’atteindre un large public.

Dans un premier temps, nous avons procédé à une analyse quantitative de contenu des posts écrits par sept profils Facebook. Nous avons identifié dans quelle mesure leur opposition ingroup-outgroup est construite dans des cadrages (frames) de crise, d’identité et de solution et comment ils utilisent ces cadrages dans des posts qui enfreignent parfois les règles de Facebook, mais qui les contournent surtout par diverses stratégies de double langage. Parmi celles-ci, le mythe, au sens de Barthes, et le contenu eudaimonique sont apparus comme particulièrement puissants pour naturaliser et diffuser l’idéologie jihadiste sur les médias sociaux.

Dans un deuxième temps, nous avons construit un modèle multimodal et multidisciplinaire des stratégies discursives qui peuvent être des déclencheurs potentiels d’une sélection de biais cognitifs clés. Nous avons ensuite appliqué ce modèle à notre corpus.


Hasna Hussein est sociologue des médias et du genre spécialiste des sociétés à majorité arabe et musulmane. Elle est docteure de l’université libanaise et de l’université de Bordeaux et chercheuse associée au Centre Emile Durkheim. Elle est fondatrice-directrice de l’association de l’extrémisme violent PREVANET, basée en France. Ses recherches portent sur la propagande djihadiste en trois langues : arabe, français et anglais par l’image, le texte et le son. Elle est l’auteure du carnet de recherche sur le thème Contre-discours radical sur les phénomènes de radicalisation (https://cdradical.hypothese.org).

Comprendre la propagande djihadiste de Daesh pour mieux la contrer

Cette intervention présentera les principaux résultats d’un travail de recherche mené depuis 2016 sur la propagande du groupe “État islamique en Irak et au Levant”, connu sous l’acronyme DAESH. Ce travail d’analyse et de déconstruction du discours djihadiste véhiculé par la littérature djihadiste permet de mieux appréhender ses techniques rhétoriques et propagandistes et de réfléchir sur les moyens et modalités pour le contre-dire. 

Malgré ses multiples défaites, notamment depuis la formation en 2014 de la coalition internationale, Daesh « demeure actif à la fois dans le monde réel et virtuel » (Conway, 2018). Or, la force de frappe de Daesh sur Internet et les réseaux sociaux ne fait que se développer et se métamorphoser. Daesh a en effet développé un arsenal médiatique ultra sophistiqué et beaucoup plus complexe que ce que laissent entendre les médias grand public (Winter, 2015 ; Salazar, 2015). L’armée de propagande de Daesh continue en effet à inonder l’espace numérique avec toutes sortes de productions des plus modernes : images et vidéos de propagande, magazines, bulletins de guerres, textes de leaders, anasheed (chants), infographies, etc. disponibles en une trentaine de langues : arabe, français, anglais, allemand, chinois, turc…. La propagande numérique de Daesh constitue son principal moyen de promotion et de légitimation de son projet politique de califat et des crimes de masses qu’il suppose (Hussein, 2018). 

Cette intervention proposera aussi d’apporter un éclairage sur les transformations dans la stratégie de recrutement numérique de Daesh. Et cela, à partir d’une analyse critique des codes discursifs et visuels de sa propagande. Comment cette propagande s’adapte-t-elle aux changements sur le terrain ? Quels sont les nouveaux genres discursifs et visuels véhiculés par cette propagande pour attirer de nouveaux sympathisants ?